Vilnius en 5000 pas

Arrivée à un certain âge (et à un âge certain), l’attrait des nuits passées dehors pour économiser le prix d’une chambre s’estompe. Un appartement sous les toits avec vue, piano et cheminée a bien des avantages.

Dans le film Super Size Me, le réalisateur/cobaye/héros/martyr tente de s’en tenir à la moyenne américaine et de ne pas dépasser les 5000 pas par jour: environ 3500m, donc (pour un calcul personnalisé, c’est par). Je relève le defi à Vilnius !

Une journée, trois repas et autant d’aller-retours, pour flemmards ou grisonnants:

500m

Déjeuner au Sviezios Bandeles

500m

Un peu de piano (se remettre dans le bain avec une méthode lituanienne)

500m

Dinner (ou goûter, si le déjeuner était tardif) au Skonis ir kvapas

500m

Lire au coin du feu, Vilnius. Wilno. Vilna. Three Short Stories de Kristina Sabaliauskaite

550m

Souper à l’Alaus Biblioteka (et découvrir le travail de l’illustratrice Ugne Akstinaite)

550m

Ajoutons à cela les escaliers (la vue sur la vieille ville depuis nos fenêtres se mérite) et un petit saut (au sens propre) pour trouver une géocache en chemin, le compte est bon !


Sviezios Bandeles, Traku gatve 7

Skonis ir kvapas, Traku gatve 8

Alaus Biblioteka, Traku gatve 4

 

Brèves de Bregenz

Un après-midi à Bregenz, où Peter Zumthor investit le Kunsthaus, cette fois-ci de l’intérieur. Le deuxième étage est une immense bibliothèque et je choisis au hasard un livre parmi les 40’ooo présents. Les sens probablement déréglés par d’anciennes lectures, mon choix se porte sur un dos rayé: petit échantillon de littérature érotique autrichienne paru en 1908, à ne pas mettre entre toutes les mains et surtout pas celles du petit Hans, déjà bien assez troublé comme ça. Yeux innocents passez votre chemin, en voici un avant-goût (en allemand, et tant pis pour ceux qui snobaient Hans et Lieselotte):

Das beichtende Mädchen.

Ein Mädchen beichtet dem Pfarrer und erzählt, daß es einen Liebhaber habe. Der Pfarrer sagt ihr in gütigen Worten, sie solle ihn lassen und das Mädchen antwortet, daß ohnehin kein Tag vergehe, an dem sie ihn nicht lasse. Bei dieser Äußerung wird der Herr Pfarrer, dessen keusche Ohren nicht gewöhnt sind, solches zu hören, schamrot; er wehrt mit den Händen ab und spricht verwirrt: « O, nicht so, nicht so! Abbrechen! » -« Wie? » versetzt erstaunt das Mädchen, « abbrechen soll ich ihn? Ach, Hochwürden, der ist so steif, daß ich ihn nicht einmal biegen, viel weniger brechen kann! »

Un peu d’air frais pour me remettre de tant d’émotions: Maurachgasse (je n’ose céder au pêché une deuxième fois et longe cette échoppe les yeux baisés), la jolie montée du Stadtsteig pour déboucher dans la Ville haute. Redescendre par la Meissnerstiege et rejoindre la Kirchstrasse. Un poster de Michael Jordan au mur me fait pousser la porte du café BAHI.

« Les repas étaient simples et excellents, et la salle à manger et le bar tout en boiseries étaient bien chauffés et accueillants », écrivait Hemingway qui passait ses hivers non loin de là. C’est exactement ce que je ressens attablée avec un thé et un brownie

Je passerai ensuite devant ce monument sans le voir (57cm d’inattention), trop occupée à écouter les merles pour la première fois de l’année.

 

Wild Wide South West of Piter

Comme les tsars il y a cent ans, ressentant une irrépressible envie de nous mettre au vert, nous fuyons l’agitation de la ville: direction le sud-ouest et le quartier d’Ekaterinhof.

Comment transmettre en à peine quatre jours le goût de cette ville, ces impressions infusées (ou distillées ?! Règle d’or: jamais de vodka sans thé) lentement au cours d’une année ? C’est peut-être dans ce quartier sans prétentions touristiques que je m’en suis le mieux sortie. Voici les ingrédients d’une soupe pétersbourgeoise, où se mêlent des parfums du temps des tsars, des communistes et de ceux qui les ont remplacé…

Amasser d’abord un certain nombre d’images: un parc, une rivière, des étangs, des cygnes à qui jeter des miettes de boubliks, une scène délabrée, une rotonde romantique, un monument à la gloire de martyres oubliés. S’y promener ou à défaut d’y être, regarder ces jolies photos.

Aller ensuite manger des chachlyks fantastiques (festin plus riche que la rime) au Yekateringof (Екатерингоф); s’enthousiasmer pour un nouveau mot donc nouveau mors à découvrir (ou non: « désolé, on n’en a pas aujourd’hui. »).

Rejoindre au bout de la rue la place Stachek (площадь Стачек) et admirer l’Arc de triomphe de Narva (Нарвские Триумфальные Ворота): ahhh, l’époque délicieuse ou au lieu d’envoyer des tweets décervelés tout azimuts, on pastichait des monuments

Puis par un hasard de l’amour des noms et des chiffres, nous nous retrouvons dans le bus 66 pour l’île Kanonierski (Канонерский остров), qui sur la carte avait l’air charmante. A réserver aux amateurs de gros bâteaux, d’ouvrages urbains et d’atmosphères du bout du monde. Et pour pouvoir dire, comme des stars: « L’été passé, à la plage, à Saint Pétersbourg… ».


De jolies photos de l’île Kanonierski ici et .

 

 

 

Au bout de la nuit, Abu Dhabi

Aéroport d’Abu Dhabi, une nuit en transit à manger des dattes fourrées aux amandes et des abricots secs enrobés de chocolats blancs, bruns et noirs. Pour lutter contre le sommeil, j’imagine une recette…

…recette qui deux mois plus tard se transformera en dessert à vocation somnifère.


pour un dodo pour une personne: 5 abricots secs, 2.5 cuillères à café de pistaches décortiquées non salées, 2.5 cuillères à café d’eau de fleur d’oranger

Inciser les abricots sur la tranche, pour en faire de petites poches. Les déposer dans un bol et les recouvrir d’eau de fleur d’oranger et  de 5 cuillères à café d’eau tiède. Laisser gonfler pendant 30 minutes, fourrer les abricots avec les pistaches et les remettre dans le liquide pendant 20 minutes. Déguster ensuite à la cuillère et jusqu’à la dernière goutte.


Des fruits comme somnifère, Roald Dahl y avait pensé bien avant moi: des raisins secs dans Danny, champion du monde, idée reprise (cf point 11) dans le film Fantastic Mr. Fox tiré d’une autre de ses nouvelles.

 

 

Ichigo daifuku sans micro-onde !

Ouvrir le moteur de recherche qui plante des arbres, Ecosia.

Chercher ichigo daifuku et admirer les images (je vous mâche le travail, mais mâchera bien qui mâchera le dernier). Pour les zélés et les anxieux, il peut être utile de regarder cette vidéo.


8 fraises, 200 g d’anko (pâte d’haricots azuki: koshian en version lisse ou tsubuan avec des morceaux), 100 g de shiratamako (farine de riz gluant), 50 g de sucre, 100 g d’eau, une bonne poignée de fécule (katakuriko ou fécule de pomme de terre en version authentique, sinon fécule de maïs, c’est kifkifburiko)

Laver, équeuter et sécher les fraises. Diviser l’anko en 8 boulettes et en enrober chaque fraise. Réserver.

Préparer un plan de travail enfariné de fécule et garder le paquet à proximité (aujourd’hui en mode prévention: pour ceux que les seins offensent, passez votre chemin).

Dans une casserole, bien mélanger le shiratamako, le sucre et l’eau. Faire chauffer à feu doux en remuant constamment, jusqu’à obtenir une pâte qui se détache des bords, élastique et collante.

L’auto-palpation peut sauver des vies, elle fait également des miracles en cuisine: tremper ses doigts dans la fécule et prélever une petite boulette de pâte. Si elle a la consistance d’un lobe d’oreille, c’est gagné ! Penser à l’auto-palpation chaque mois, et également pour la cuisson de la viande.

Transférer la pâte sur le plan de travail enfariné et la diviser en 8 parts égales. Prendre un des morceaux, l’étirer en un disque bien régulier et y enfermer une fraise. Sceller sa prison et répéter l’opération avec ses sept soeurs. Veiller à les enduire de fécule pour qu’elles ne collent pas.

Consommer sans attendre.


Merci à Cuisine en bandoulière et à A vos baguettes pour l’inspiration

 

 

L’arroseuse arrosée et le jet d’eau (de Genève)

L’arroseuse arrosée dessine un coup de soleil en temps réel et se retrouve rouge à son tour.

Le jet d’eau, on l’admire depuis les Bains des Pâquis.

Lire au soleil, suer dans les saunas et le hammam (une goutte au parfum de chocolat, réminiscence de notre passage à La Vouivre, et une goutte à la santé de Vladimir Ilitch), se rafraîchir dans le lac, observer les bébés canards

Savon noir et gant de kessa contre or noir et scrub de luxe, les bains des Pâquis c’est un joli pied de nez à l’alignée des hôtels du quai d’en face: c’est nous qu’on a la meilleure plage !

Des nourritures libanaises pour se remettre d’aplomb au Parfums de Beyrouth, avant de regagner les lieux du crime pour une fondue au Crémant.

Notre gueule de bois, on la soignera le lendemain au Jardin botanique à coup d’aloe vera et de Biafine.

 


Tea Room La Vouivre, rue des Pâquis 21

Bains des Pâquis, Jetée des Pâquis

Parfums de Beyrouth, rue de Berne 18

La Buvette des Bains, Jetée des Pâquis

Jardin botanique, Chemin de l’Impératrice 1, Chambésy

 

Genève (raiment pas des goûts de luxe)

 

En l’an 2000, on venait à Genève pour aller manger chez ma cousine. En 2017, je vais y passer trois jours chez ma soeur. Et entre les deux, c’est Trois jours chez ma mère qui a bien failli passer par la fenêtre du train Marseille-Genève…

En bonnes filles de nos parents et en l’honneur de Calvin (ou est-ce l’inverse ?), ce séjour sera sous le signe des bonheurs simples.

On commence notre shopping tour à la place des Grottes 1, chez Nature en Vrac: faire une réserve de shampooing solide (c’est à dire en acheter un, vu qu’il dure des plombes), acheter 100g d’amandes et 100g de noix de cajou.

On poursuit à la rue des Corps-Saints 3 (il n’y a pas de hasard), chez Lyzamir: excitation maximale devant la collection d’épices, j’en ai les larmes aux yeux (la faute aux poivres). Et là, alors que deux jours avant je m’étais fabriqué du dentifrice au bon goût de savon, voilà que je trouve des tubes à remplir (et ça ressemble à ça) ! Acheter du zaatar.

En remontant l’avenue Voltaire, on passe devant la pharmacie Bédat (7 boulevard James Fazy): on y trouve de quoi faire ses cosmétiques maison, et donc de la cire pour mon déodorant (recette à venir).


Recette des noix au zaatar, d’après The Middle Eastern Vegetarian Cookbook de Salma Hage.

1-2 cs d’huile d’olive, 4 cc de zaatar, 1cc de sel, 100g d’amandes entières (avec ou sans la peau), 100g de noix de cajou

Préchauffer le four à 180°. Mélanger dans un grand bol l’huile, le zaatar et le sel. Ajouter les noix et bien les enrober du mélange. Repartir sur une plaque chemisée et faire rôtir pendant 8 minutes. Sortir du four, brasser et remettre à dorer pour 5 minutes (ou moins: surveiller la couleur des noix, elles ne doivent pas noircir). Laisser refroidir et rajouter éventuellement un peu de sel.

 

 

La Crète à Paris

Je me baladais le long des rues, le coeur ouvert à l’Imprévu et j’ai bien failli y céder, place Flora Tristan. Une bonne raison pour revenir un jour, ça et la boulangerie à l’enseigne en lettrage Art-Décoïsant.

A l’aller, la façade blanche du Daraton m’avait intriguée par sa discrétion. Et puis, manger crétois en revenant des Thermopyles, j’avais de la suite dans les idées.

daraton2

J’entre, la salle est vide et ça sent le gas: petite hésitation.

Murs blancs, carreaux jaunes, mobilier en bois sombre, coussins rouges, comptoir bleu, nappes et serviettes blanches. Salade Crétoise et feuilleté aux courgettes, pommes de terre, herbes et fromages (Mpoureki). La patronne m’avait prévenu que ça prendrait un peu de temps, mais ça valait mille fois l’attente.

Entre les mots échangés et radio FIP, mes oreilles étaient elles-aussi à la fête. Cerise sur le gâteau, cette chanson du Roi et l’Oiseau : heureuse de la tête, du coeur et de l’estomac.

C’était un mercredi soir début décembre, je n’ai pas vu d’autre client de la soirée, mais Paris était mort à cette époque. Peut-être qu’en temps normal il vaut mieux réserver.


Le Daraton, 22 rue Edouard Jacques, 75014 Paris, +33 (0)1 40 47 69 77


Cinq raisons de revoir Le Roi et l’Oiseau