P&P 4: à la mer (fin)

Napoléon, maa hulhunbu landaa, 2 m

Un poisson, un poème: épisode 4

У самого моря

()
Знали соседыи – я чую воду,
И, если рыли новый колодец,
Звали меня, чтоб нашла я место
И люди напрасно не трудились.
Я собирала французские пули,
Как собирают грибы и чернику,
И приносила домой в подоле
Осколки ржавые бомб тяжелых.

J’ai le don de sourcier, cela se savait,
Et les voisins me demandaient conseil
Lorsqu’ils voulaient creuser un nouveau puit,
Afin de ne pas s’échiner en vain.
J’allais ramasser des balles françaises,
Comme l’on va aux baies ou aux champignons,
Et je ramenais dans l’ourlet de ma jupe
Des éclats rouillés, débris de lourdes bombes.

Anna Akhmatova
1914

Pieds: mélange de 10 et 11



Des balles françaises en Crimée ? C’est la faute à Napoléon III.
La pêche du jour coulait donc de source.
La cueillette m’a donné plus de fil à retordre: comme d’autres iraient aux champignons ou aux myrtilles était mon favori, proche de l’original de surcroît, mais avait trop de pieds.
Aux baies ou aux bolets: trop abrupt… quoique plus je le relis, plus je l’aime.
Aux bolets ou aux myrtilles, aurait pu faire un bon choix, mais c’est comme l’on va aux baies ou aux champignons qui l’a emporté.

P&P 3: à la mer (début)

Poisson-lime gribouillé, fankaa fathirondu, 1 m

Un poisson, un poème: épisode 3

У самого моря

Бухты изрезали низкий берег,
Все паруса убежали в море,
А я сушила соленую косу
За версту от земли на плоском камне.
Ко мне приплывала зеленая рыба,
Ко мне прилетала белая чайка,
А я была дерзкой, злой и веселой
И вовсе не знала, что это – счастье.
В песок зарывала пестрое платье,
Чтоб ветер не сдул, не унес бродяга,
И уплывала далеко в море,
На темных, теплых волнах лежала.
Когда возвращалась, маяк с востока
Уже сиял переменным светом,
И мне монах у ворот Херсонеса
Говорил: «Что ты бродишь ночью?»
()

À la mer

Des golfes découpaient la rive plate,
Les voiliers s’étaient réfugiés au large,
Et moi je séchais ma tresse salée
Sur un rocher plat éloigné du rivage.
Un poisson vert nageait à ma rencontre,
Une blanche mouette volait vers moi,
Mais moi, joyeuse, effrontée et méchante,
J’ignorais que le bonheur, c’était ça.
J’avais enfoui ma robe sous le sable,
Pour la protéger des rôdeurs et du vent,
Et j’étais partie nager loin dans la mer,
Bercée par l’indigo des vagues chaudes.
À mon retour, le phare, là-bas à l’ouest
Jetait déjà ses éclairs de lumière,
Et le moine, aux portes de Chersonèse
Disait: « Qu’as-tu à rôder de nuit? »
(…)

Anna Akhmatova
1914

Pieds: panachage de 10, 11 ou 12, puis 9 pour le dernier



Ce poème illustrerait à merveille tout chapitre d’étude des verbes de mouvement russes. Nul doute que quelques subtilités m’auront échappé, en attendant je me suis laissée emporter par l’euphorie d’iode et d’eau de mer: bercée par l’indigo des vagues chaudes, ce n’est plus exactement couchée dans les vagues sombres et chaudes

Mes recherches sur les éventuels effets narcotiques de l’iode n’ont rien donné, l’utilisation d’iode comme produit secondaire dans la synthèse de la méthamphétamine mis à part.
Par contre, je suis tombée sur un nageur fuyant à la nage le régime soviétique: l’héroïne de ce poème aurait apprécié la performance, sportive du moins.
J’ai appris que le mot iode vient du mot grec « violet », rapport à la couleur de ses vapeurs.
Et surtout, j’ai enfin compris ce que mon grand-papa a voulu m’expliquer il y a si longtemps, morceau de pain dans une main et flacon de teinture d’iode dans l’autre.
L’indigo des vagues prend soudain tout son sens !


Il reste l’énigme de ce mystérieux moine, débarquant deux vers avant la fin: c’est qui ce gars ? Il y avait jusqu’en 1924 un monastère à Chersonèse… mais qu’il laisse les jeunes filles profiter du clair de lune à leur guise, bon sang !

P&P 2: la lune et le papillon

Poisson-papillon de Bennett, faiyimini bibee, 18 cm

Un poisson, un poème: épisode 2


Чернеет дорога приморского сада,
Желты и свежи фонари.
Я очень спокойная. Только не надо
Со мною о нем говорить.
Ты милый и верный, мы будем друзьями…
Гулять, целоваться, стареть…
И легкие месяцы будут над нами,
Как снежные звезды, лететь.


Le chemin sombre du jardin près de la mer,
Le halo jaune des lanternes.
Je suis tout à fait calme. Seulement prenez garde
À ne pas me parler de lui.
Toi tu es doux, fidèle; nous serons amis…
Promener, s’embrasser, vieillir…
Et les mois, si légers, voleront sur nos têtes
Comme des étoiles enneigées.

Anna Akhmatova
1914

Pieds: 12/8


J’avais d’abord traduit les легкие месяцы par lunes légères, en prêtant au mot mois son sens poétique de lune: mais comparer des lunes à des étoiles me paraissait affaiblir la poésie de la phrase. Retour du mot à son sens premier: les mois, si légers.

Le motif de la lune (pleine) se retrouve néanmoins sur le poisson du jour, tout comme le halo jaune des lanternes.

P&P 1: rouge perroquet

Poisson-perroquet bicolore, landaa, 80 cm


Un poisson, un poème: épisode 1

C’est une tradition, sur cette île: dessiner des poissons et traduire de la poésie (voir août 2023). Cette fois il y a eu 16 dessins, pour chacun il y aura un poème…
promesse faite à moi-même pour me mettre le pied à l’étrier !

Александру Блоку

Я пришла к поэту в гости.
Ровно полдень. Воскресенье.
Тихо в комнате просторной,
А за окнами мороз

И малиновое солнце
Над лохматым сизым дымом…
Как хозяин молчаливый
Ясно смотрит на меня!

У него глаза такие,
Что запомнить каждый должен;
Мне же лучше, осторожной,
В них и вовсе не глядеть.

Но запомнится беседа,
Дымный полдень, воскресенье
В доме сером и высоком
У морских ворот Невы.

Je rendais visite au poète.
C’était midi pile, un dimanche.
Le calme de la vaste chambre,
Le givre ourlant les fenêtres.

Le soleil, couleur de framboise,
Les volutes de fumée bleue…
Et ce regard perçant qu’il a,
Le poète taciturne!

Ses yeux se gravent dans l’esprit
De ceux qui osent s’y plonger.
Mais moi, prudente, je prends garde
À ne point les regarder.

Mais je me souviens de nos mots,
De ce dimanche après-midi,
Dans cette grande maison grise
Aux portes de la Néva.

Anna Akhmatova
1914

Pieds: 8/8/8/7


Une framboise est-elle rouge ou rose ? Voici une question qui risque de diviser, selon les langues et les personnes.
En allemand c’est très clair, en français ou en anglais un peu moins, et comme les framboisiers (de même que les abricotiers) sont de la famille botaniques des Rosacées, la question reste ouverte.


Ce pauvre poisson-perroquet n’a pas eu l’honneur du rose éclatant qui lui revenait, la faute à mon choix de palette aquarelle: la prochaine fois, j’achèterai aussi du rose opéra !

Pâte à tartiner rimée

Un jour en rab de février,
Recette de pâte à tartiner.
Et quoi de mieux pour l’illustrer
Que ces deux neveux adorés ?

Cinquantes grammes: noisettes en purée,
Cinq grammes: cacao non-sucré,
Cinq grammes: poudre de petit-lait
(Ici au bon goût vanillé),
Dix grammes: quelque chose pour sucrer,
Miel ou Birnel, comme vous voulez.

Puis selon vos goûts ajouter
De la fleur de sel, une pincée,
Ou des zestes d’oranges frais râpés
(Choisissez des fruits non traités).

Tout mélanger et tartiner
Sur une tranche de pain doré.
Si c’est une sauce que vous voulez,
Trente grammes d’eau chaude à délayer.


Oui je triche, les syllabes en gras comptent pour un pied
Et certes, quelques sons « é » sont capillotractés:
Mais les genevois sauront vite me pardonner
De transformer le laid en ce plus joli lé.


pour quatre tartines: 50 g de purée de noisettes, 5 g de poudre de cacao non-sucré, 5 g de poudre de petit-lait (à la vanille si possible), 10 g de Birnel ou autre sucrant liquide, selon les goûts: une pincée de fleur de sel, quelques zestes d’orange bio

Mélanger tous les ingrédients, voici une pâte à tartiner. Rajouter 30 g d’eau chaude, bien mélanger, votre sauce au chocolat est prête à napper une crêpe ou un petit suisse.

Salep, ce n’est pas un vilain mot…

…c’est une boisson parfaite pour les soirs d’hiver.

Pour la faire courte, passez directement à la recette plus bas.

Pour la faire un peu plus longue, il faut remonter à fin décembre au Café du Simplon, entre Londres et Istanbul et découvrir une boisson chaude orientale: le salep. La redécouvrir une heure plus tard dans les mains de Louisa Durrell à Corfou… c’est décidé, il m’en faut aussi, et c’est finalement dans une boutique crétoise (Botano) que j’en trouve (au milieu de tisanes, épices et autres trésors).

Une fois la main mise sur la poudre de salep, il reste à trouver le bon dosage. Suivant les recettes, les proportions varient du simple au décuple, et ainsi la texture. J’ai bricolé une version qui se laisse boire tout en étant plus épaisse qu’un chocolat chaud.

Sur cette illustration (d’après une photo trouvée sur Google Earth), les tasses semblent plutôt contenir du café. Peu importe: elles se trouvent à Demirkanat, en Anatolie, région où se passe « Les Herbes sèches », le dernier film de Nuri Bilge Ceylan. Et où passe le Dogu Express.


pour deux tasses: 5 dl de lait, 1 cs de sucre (de bouleau ou autre), 1 cc de poudre de salep, 1/4 cc de cannelle, 2 cc d’eau de rose ou de fleur d’oranger

Verser le lait dans une petite casserole, y délayer tous les ingrédients sauf l’eau de fleur d’oranger ou de rose, faire chauffer jusqu’à ébullition en remuant bien et continuer jusqu’à ce que la préparation épaississe. Une fois atteinte la consistance désirée, verser dans les tasses. Ajouter l’eau de rose ou de fleur d’oranger, remuer, saupoudrer d’un voile de cannelle et servir.


On peut remplacer le salep par la même quantité de fécule.


Si j’en crois les chiffres, il y a sur cette image de Demirkanat plus de tasses que d’habitants en 2009…


Quelques bandes annonces le temps de siroter sa tasse: un, deux et trois.

V(odka Carambar)


La Table de Mangeleïev, épisode 8

Vodka Carambar -> V -> Vanadium -> élément découvert par Andrés Manuel del Río

Ça doit être un peu rageant, quand tu crois avoir découvert un nouvel élément, que ton pote Humboldt te dit que non… et que 30 ans plus tard, on s’aperçoive que tu avais raison. Pas sûr que le courant passe toujours très bien, entre Andrés et Alex !

Trêve de mauvais jeu de mot, voici la recette rituelle de Noël, la vodka Carambar.


Une fois n’est pas coutume, commençons par le processus: verser dans un bocal bien étanche et assez grand la vodka, les carambars (sans leur papier…) et le sucre. Secouer le bocal de temps à autre et laisser la nature faire son oeuvre (cela prend environ deux semaines). Une fois que tout est dissous, mettre en bouteille.

Voici les proportions, à ajuster selon la quantité voulue et/ou la taille des bouteilles: 1dl de vodka, 7 carambars, 10g de sucre roux

Les paquets usuels de Carambar (320g) en contiennent 40, on y ajoute 1,1 litre de vodka et 110g de sucre.
Ou pour faire simple: un paquet de Carambars, 1 litre de vodka, 100g de sucre !


Mettre les Carambars au frais facilitera le déballage, étape de loin la plus fastidieuse.


Recette adaptée de celle de Beau à la louche

Et parce que contrairement à l’alcool et au sucre, rire c’est bon pour la santé, voici le top 100 des blagues Carambar.

Anzio, histoire et chocolats chauds

Loin de l’agitation de sa grande et capitale voisine, à Anzio on se baigne, on se promène et on mange. Il y a près d’un siècle on y débarquait (en 1944) et encore bien plus longtemps avant, on y naissait (Caligula et Néron).

Dans l’ordre croissant du simple café au menu trois plats, voici quelques sympathiques points de chute:

Café Al Terzo, Riviera Vittorio Mallozzi 48, 00042 Anzio
Bar Pasticceria Marotta, Via Filibeck 17, 00042 Anzio
Pizzeria Pucci, Riviera Vittorio Mallozzi 7, 00042 Anzio
Restaurant Da Domenico, Via di S. Giovanni in Laterano 134, 00184 Roma


pour deux petites tasses de chocolat chaud italien: 2 cs bombées de cacao non-sucré, 2 cs rase de fécule, 300 g de lait (ou 280 g d’eau et 2 cs de purée d’amande), 1 cs de sucre, 1/4 cc de cannelle

Mélanger dans une petite casserole tous les ingrédients, faire chauffer en remuant bien jusqu’à ce que le mélange épaississe. Déguster à la cuillère.


Et parce que l’Histoire se répète…
Il y avait déjà un couple Macron célèbre à l’époque de Caligula (ce dernier n’étant décidément pas le meilleur ami à avoir).
Il y avait déjà des dirigeants détestables à l’époque (Néron n’étant par ailleurs pas le meilleur fils ou mari à avoir).