Akhmatova 22 – Quand c’est une époque que l’on enterre


В сороковом году

Когда погребают эпоху,
Надгробный псалом не звучит,
Крапиве, чертополоху
Украсить ее предстоит.
И только могильщики лихо
Работают. Дело не ждет!
И тихо, так, Господи, тихо,
Что слышно, как время идет.
А после она выплывает,
Как труп на весенней реке, –
Но матери сын не узнает,
И внук отвернется в тоске.
И клонятся головы ниже,
Как маятник, ходит луна.

Так вот – над погибшим Парижем
Такая теперь тишина.

Année 1940

Quand c’est une époque que l’on enterre,
Aucune oraison ne retentit,
C’est l’ortie et le chardon amer
Qui fleuriront la tombe où elle gît.
Et seuls s’échinent les fossoyeurs,
Vaillants. Car le devoir n’attend pas!
Lourd, si lourd est le silence, Seigneur,
Qu’on entend le temps avancer au pas.
Mais viendra le jour où, de la rivière,
Comme un noyé elle émergera,
Le fils ne reconnaîtra pas sa mère,
Le petit-fils se détournera.
La lune passe comme un balancier
Sur les têtes baissées des passants.
Car dans les rues de Paris sacrifié
Le silence est le maître à présent.

Anna Akhmatova
5 août 1940

Pieds: 10/9/9/10, 9/9/10/10 puis 10/9/10/9
(original: 9/8/8/9 puis 9/8/9/8)


Dilemme aux vers 5 et 8: casser les pieds ou renoncer à l’allitération seuls s’échinent les fossoyeurs ?
Pour rééquilibrer le pieds manquant du vers 5, le temps du vers 8 avance au pas, au lieu de marcher au pas: un peu moins d’esprit militaire, même si le Paris ville ouverte de 1940 n’en manquait sûrement pas.


Le dessin du jour: derniers rayons de soleil sur le Sex rouge et les rochers de la Marchande

Akhmatova 21 – Dans Moscou parée de glace

Без названия

Среди морозной праздничной Москвы,
Где протекает наше расставанье
И где, наверное, прочтете вы
Прощальных песен первое изданье –
Немного удивленные глаза:
«Что? Что? Уже? Не может быть! » –
«Конечно!.. »
И святочного неба бирюза,
И все кругом блаженно и безгрешно…
Нет, так не расставался никогда
Никто ни с кем, и это нам награда
За подвиг наш.

Sans titre

Dans Moscou parée de glace pour les Fêtes,
Là où s’éternise notre séparation
Et là où, sans doute, vous lirez ces lettres,
Ces chansons d’adieu dans leur première édition-
Les yeux un peu étonnés, balbutiant:
«Quoi? Quoi? Déjà? C’est impossible!» – «Évidemment!.. »
Sous ce ciel de Noël turquoise et doré,
Tout, autour, respirant la joie et l’innocence…
Non, jamais personne ne s’est séparé
Sous de tels auspices, telle est la récompense
De nos exploits.

Anna Akhmatova,
12 décembre 1963. Moscou

Pieds: 11/12/11/12/…/4
(original: 10/11/10/11/…/4)
Vers: xyxy/zz/xyxy/a


Un poème où Noël est en toile de fond, il fallait le poser ici aujourd’hui. Pas de Moscou sous le givre, pas envie de voir d’affreux rubans orange et noir en guise de décorations: à la place, la vue sur la Tête Ronde, esquissée en vitesse cet après-midi.


Quand à cette traduction… je ne sais pas de qui elle se sépare, ni de quel exploit elle parle au dernier vers. Alors je flotte dans ce doux potage, où les « et » remplacent des verbes qui n’arriveront pas, et me raccroche à ce brave croûton briseur de rythme (exploit ou bravoure, mon choix n’est pas encore arrêté).

Et comme c’est Noël, voici en cadeau deux fins alternatives:

Dans pareil décor, la voilà la récompense
De notre bravoure.

Dans ces conditions, la voilà la récompense
Pour notre bravoure.

Akhmatova 20 – Du jour où une personne meurt

Когда человек умирает,
Изменяются его портреты.
По-другому глаза глядят, и губы
Улыбаются другой улыбкой.
Я заметила это, вернувшись
С похорон одного поэта.
И с тех пор проверяла часто,
И моя догадка подтвердилась.

Du jour où une personne meurt,
Ses portraits entament une métamorphose.
Son regard est changé et sur ses lèvres
Flotte un sourire qui n’est plus le même.
J’ai fait cette observation en rentrant
Des obsèques d’un ami poète.
Et j’ai, depuis, souvent pu vérifier
La véracité de ma déduction.

Anna Akhmatova,
21 mai 1940

Pieds: 9/11/10/10/10/9/10/10
(original: 9/10/11/10/10/9/9/10)
Vers libres


Fidèle à l’original, j’ai respecté l’enjambement des vers 3/4, des vers 5/6 tout en rajoutant un aux vers 7/8, pour une raison de pieds.
Akhmatova joue d’allitérations aux vers 3 et 4 (глаза/глядят et улыбаются/улыбкой).
Mes allitérations à moi se font enjambantes et se trouvent aux vers 5/6 (observation/obsèques) et aux vers 7/8 (vérifier/véracité).


Quel défunt poète évoque ici Akhmatova ?
Parmi les poètes décédés en ce début d’année 1940, il y a Vilis Plūdons, Isaac Babel, Mikhaïl Boulgakov (à qui Akhmatova à rendu visite dans les derniers mois de sa vie, bravant l’interdiction de séjourner à Moscou qui la frappait alors), mais je doute qu’elle soit allée à leur funérailles.

Elle était en revanche en 1921 aux funérailles d’Alexandre Blok, « tragique ténor de son époque » selon ses mots (трагический тенор эпохи). D’elle également, ces vers sur sa visite au poète.


Des traductions qui s’entassent par manque de dessins… surtout par manque de temps et d’Inspiration pour les-dits dessins: retour à des illustrations plus sommaires et spontanées, petit carnet, trois couleurs au fil des trajets et des cahots ferroviaires.

Thermal Summer: eau oui !

De l’eau et des arbres: l’eau du Rhin, l’eau des thermes, des saules et des peupliers. Amen !

Une suite avec vue sur l’Allemagne et ses éoliennes, à 3 mn à pied (et en peignoir) des bains, à 7 mn à pied du Kebab, à 7 mn en voiture de l’Indien.


Réserve naturelle Aue « Chly Rhy », Ausserdorf 50, 5323 Rietheim

Thermes de Bad Zurzach, Dr. Martin Erb-Strasse 11, 5330 Bad Zurzach

Dorint Parkhotel Bad Zurzach, Badstrasse 44, 5330 Bad Zurzach

Zwischen IMBISS, Baslerstrasse 2, 5330 Bad Zurzach

Restaurant Barkat, Hauptstraße 1, 79790 Küssaberg, Allemagne

Treppen der Stadt, épisode 14: Röteliweg

Röteliweg

215 marches entre Kreuzackerstrasse et Schorenstrasse (un des rares escaliers qui ne se contente pas d’arriver au sommet, mais englobe les deux versants de la colline)

à voir: un lointain cousin du Monolithe d’Expo 02 (pas sûre de son pedigree…) à la hauteur de la Dufourstrasse.

à faire: tester et comparer les places de jeu sur les deux versants de la colline.
Côté ville (Furglerstrasse, à gauche en montant): balançoires puis structure de jeu avec toboggan (il y a également des bancs un peu plus loin).
Côté campagne (Schorenstrasse, 60 mètres sur la droite au bas de la descente): terrain de foot, place de jeu spacieuse et même une petite piscine (ou devrais-je dire bain populaire).

à faire bis: aller manger le midi au restaurant Stadtblick ou y boire un verre en terrasse avant 16h pour profiter de la vue.

à faire ter: boire un verre à la Militärkantine, et y dessiner un mercredi soir sur deux


Pour ceux qui voudraient voir un authentique morceau du Monolithe de Jean Nouvel en Suisse orientale, il faut se rendre à la Cabane dans le parc du Schloss Wartegg.

Pour les amateurs de dissertations sociologiques, urbanistiques et architecturales: rédigez un essai (30’000 signes) sur les différences entre les habitations de la Furglerstrasse (propriété de la caisse de pension St.Galloise, aux airs de logements de fonction pour cadres du TAF) et celles de la coopérative d’habitation de Schoren (Eisenbahner Baugenossenschaft St. Gallen: à la base, coopérative d’habitation des cheminots et employés du chemin de fer).

En parlant de TAF, je suis ravie de savoir notre pays capable de prendre de grandes décisions: sauvons les trous dans le fromage !

Daikon tout con


Un daikon qui se ramollissait au frigo
Vit avec horreur se rapprocher un couteau.
La maîtresse des lieux en quête d’un souper
S’était souvenue de ce légume oublié.

Tchic tchac, le voilà coupé en fines rondelles
Puis dans la marguerite, cette alliée fidèle
De la ménagère pour cuire à la vapeur,
Garantissant une cuisson parfaite à cœur.

Dans un bol, le mélange onctueux que voici:
Miso blond, sauce soja, vinaigre de riz.
Un oignon nouveau, sur le point d’être émincé,
Voit, philosophe, sa dernière heure arriver.

Passons pour finir au montage de ce plat:
Dresser le radis, artistiquement ou pas,
Napper copieusement de sauce les rondelles,
Puis garnir d’oignon, manger, faire la vaisselle.


La recette se fait au doigt mouillé avec en gros un demi daikon (radis blanc) coupé en tranches d’un centimètre d’épaisseur, 2 cs de miso blond, 1 cs de vinaigre de riz, 1 cs de sauce soja, un demi oignon nouveau. Servir soit en entrée, soit comme accompagnement pour deux personnes, ou avec un bol de riz pour un gros mangeur de légume.


Il existe au Japon une île nommée Daikonshima (île du daikon). Mais ne vous fiez pas au nom: elle fut aussi appelée Takoshima (île de la pieuvre) et elle est célèbre pour ses cultures de pivoines et de ginseng.
Le café du parc Yuushien propose une vue magnifique, mais mon choix s’est porté sur le café DAIKON, et son conteneur face à la mer.



Yoshino 2 (et ganache au whisky ou au Fernet)

Étape n°2: Wakinoyama – Tosa (lac Sameura), 39 km

La descente de la rivière continue: il n’y a pas grand chose à voir à part des ponts suspendus, des petits temples (des oratoires, plutôt) cachés sur les berges et bien sûr le paysage.

Après 24 km, nous arrivons à Ōkawa et mangeons dans une auberge-restaurant décrite comme « typique de l’ère Shōwa ».
L’ère Shōwa correspond aux années 1926-1989, et voilà en photos ce que peut évoquer un restaurant de l’époque. Un resto rétro, en somme !
Et pour être rétro jusqu’au bout, pas de lien: cherchez sur la carte. C’est juste avant le douzième pont et l’arrivée de la rivière Seto dans notre Yoshino.

Plus que 15 km et hourra, nous débouchons sur le lac Sameura. Une petite île réveille nos envies d’exploration et nous prenons ensuite nos quartiers au Lake Sameura Tent Park, un camping à l’architecture raffinée.
Pour ceux que le camping rebute, il y a également un hôtel.
Pour ceux que qui voudraient rester plus longtemps, il y a à Motoyama, de l’autre côté de la rivière, une sympathique maison à louer.

Un petit chocolat au Fernet-Branca ou au whisky japonais avant de se glisser dans son sac de couchage ? Il ne semble pas y avoir de distillerie de whisky sur l’île de Shikoku, mais si vous êtes prévenants, vous aurez dans votre paquetage une topette remplie de votre alcool d’érection (sorry Sigmund, blague familiale… et de toute façon au Japon on ne prononce pas les « r »). Il ne vous reste plus qu’à trouver du chocolat, de la crème et un petit morceau de beurre…


ganache au whisky ou au Fernet pour fourrer 15 pralinés au chocolat: 50 g de chocolat noir (64% où selon les goûts), 25 g de crème entière, 25 g d’alcool, 3 g de beurre

Faire fondre le chocolat au bain-marie. Dans une petite casserole faire chauffer la crème et l’alcool (pour réduire la teneur en alcool, le faire bouillir seul puis laisser refroidir avant d’ajouter la crème). Ajouter au chocolat, bien mélanger, ajouter le beurre, mélanger encore. Laisser quelque peu refroidir avant de verser dans les coques de chocolat (faites au préalables comme ici), pour éviter qu’elles ne fondent. En l’absence de coques, mettre en pot et manger à la cuillère, servir comme coulis sur un yoghourt nature ou des fruits frais, ou encore étaler sur du pain.


À quoi peut bien servir ce cadre en béton qui met en valeur le lac sur le dessin ci-dessus ? Réponse dans cet article (cherchez bien).

Yoshino 1 (et des Okonomiyaki)

Nouvelle saison de rameur en salon, nouvelle expédition fluviale: nous quittons le nord du Japon pour suivre le cours de l’Yoshino sur l’île de Shikoku.

Étape n°1: source de l’Yoshino – Wakinoyama, 35 km

Départ en contrebas du mont Kamegamori, à un bon kilomètre à vol d’oiseau au sud-est du sommet: 33°47’12″N 133°11’59″E.

Dans les gorges de la Shiraidani l’eau limpide et turquoise invite à la baignade: pour en profiter, arriver la veille et passer la nuit au camping Shiraidani Auto Camping Ground.
Soyons honnêtes, les premiers kilomètres semblent peu propices au kayak…
Le Yoshino s’élargit après Erimon (pour ceux que le camping de la veille effraie, il y a là une auberge, le Farmer’s Lodge Hiiragi).
Est-il permis et conseillé de naviguer sur le lac de barrage du Nagasawa Reservoir? Il va sans dire qu’il faut sortir de l’eau avant le barrage à l’est du lac…
Après le village de Nagasawa, l’Héliport de Matsueda et le pont Tochu, le fleuve vire plein nord: c’est là sur la rive droite qu’on passe la nuit dans une petite cabane: il me faut une cuisine car je veux préparer des Okonomiyaki !


(quantités pour une personne, multiplier à l’envi)
pour la pâte: environ 120 g de chou (blanc ou chinois), 1/2 oignon nouveau, 30 g de farine pour okonomiyaki, 1 œuf, 40 g d’eau, 1 cc de bouillon dashi en granules, 30 g de lard à griller (optionnel)
pour la décoration: mayonnaise, sauce pour Okonomiyaki (à défaut mélanger du ketchup et de la sauce Worcester), copeaux de bonite sêchée (katsuobushi), algues en paillettes (aonori ou comme ici, une feuille de nori coupée en fines lamelles), gingembre mariné (beni shōga)

Émincer le chou finement, émincer l’oignon nouveau et mélanger tous les ingrédients sauf le lard.

Option lard: répartir le lard dans une poêle, commencer à le griller jusqu’à ce qu’il soit à moitié cuit.

Dans une poêle huilée verser la pâte et bien la répartir (on verse sur le lard s’il y en a). Couvrir et laisser prendre à feu moyen pendant cinq minutes environ. Retourner la poêle sur un couvercle ou une assiette, et faire glisser l’okonomiyaki dans la poêle pour cuire le deuxième côté jusqu’à ce que l’omelette soit bien cuite.

Disposer sur une assiette et ajouter les garnitures sans lésiner sur les quantités!
Dans l’ordre: sauce pour okonomiyaki, mayonnaise, copeaux de bonite, algues en paillettes et gingembre mariné.

Manger chaud ! Pour servir deux portions, utiliser deux poêles ou cuire deux okonomiyaki à la suite (ne pas faire une omelette deux couches !).

Treppen der Stadt, épisode 13: Telltreppe

Telltreppe

370 marches entre Tellstrasse et Höhenweg

à voir: à la hauteur de la Dufourstrasse, à droite en montant, se trouve le Huberpärkli. Outre le buste du compositeur Paul Huber, il y a un petit monument à Ferdinand Huber, compositeur lui aussi mais apparemment sans lien de parenté. Au printemps, les magnolias y sont en fleur. Et en tout temps, la vue sur la vieille ville se dessine entre les maisons.

à faire: une fois atteint le sommet des escaliers, prendre sur la droite et se détendre sur la grande prairie ou sous l’arbre majestueux de la Kinderfestwiese.


Un peu de musique de Paul Huber, et comme il fut l’élève de Nadia Boulanger, un peu de musique de sa sœur, Lili Boulanger: pour célébrer les vieux jardins, les vieilles prières, les soirs tristes et les matins de printemps.

Et pour ne pas faire de jaloux, le hit de Ferdinand Huber: Lueget, vo Berg und Tal