Crêpothérapie



Pieds-qui-trépignent, Estomac-qui-gronde et Tête-qui-dévisse: point d’Erinyes slaves ici, mais un état récurrent et heureusement traitable.

Pour la tête: de l’action, des stylos, une perspective d’évasion.

Pour les pieds: arpenter des contrées fantasmées, Petr Lovigin comme mise en bouche puis Sergueï Prokoudine-Gorski (qui photographia en 1909 ces trois jeunes paysannes) en plat de résistance.

Pour l’estomac, des crêpes au sarrasin.


Pour environ 7 crêpes (un repas pour deux): 350g d’eau, 175g de farine de sarrasin, 1 oeuf, une demi cc de sel, de quoi graisser la poêle (beurre, huile ou ghee selon vos croyances)

Mélanger l’oeuf, le sel et la farine. Ajouter peu à peu l’eau pour obtenir une pâte lisse et sans grumeaux. Laisser reposer pendant quatre heures au frais, ou pendant 5mn à température ambiante puis cuire comme des crêpes (quel insulte au lecteur c’eût été que d’expliquer ce procédé).


La recette vient de . Elle est française, j’espère n’avoir pas accouché d’un ligre culinaire.

Mangarita

Cathédrale Saint-Michel, Rikitea

Pour voyager en pensées, quand les avions ne volent plus.

Le cocktail de ce printemps est à base de curcuma. C’est en cherchant des informations sur ce tubercule (souligné-ondulé) que je suis tombée sur une île dont le nom me disait quelque chose…

Mangareva ?!

Mais oui, c’est bien de là que partent les bateaux pour Pitcairn !

En somme, nous faisons le chemin à l’envers, un verre à la main.


Pour une bouteille: un petit doigt de curcuma, un majeur de gingembre, un peu de poivre, un citron (vert de préférence) et un litre d’eau

En s’aidant d’une petite cuillère, peler curcuma et gingembre. En respectant chez nos tubercules la proportion d’un pour deux (cosmogonie personnelle et arbitraire), passer au blender 6g de curcuma, 12g de gingembre, le jus du citron, 7 tours de moulin à poivre et 1000g d’eau

Servir bien frais


le terme québecois pour « blender » est « mélangeur » (une question de moins pour aujourd’hui)

un peu de culture: le Dieu Rao et le curcuma

et un conte à lire avant de faire de beaux rêves

La constellation du Bounty

Dans un rêve parmi d’autres, on mangerait nos pseudo-bounty à 15495 km d’ici, sous la voûte étoilée de Pitcairn.

Dans un monde insouciant, on y mettrait du sucre mais on oublierait d’en profiter.

C’est finalement plutôt facile. On monte le soir sur la colline pour saluer Orion.

De retour chez nous, on s’endort sous l’image du Scorpion.

Et on remercie le ciel de faire, entre autres, pousser des arbres à l’écorce si douce.


Pour environ 13 bouchées: 60g de beurre de coco, 30g de noix de coco râpée, 15g de cacao non-sucré, 2 cs de xylitol (ou de sucre brun), une pincée de sel, une pointe de couteau de vanille en poudre, 1/4 cc de cannelle

Si besoin, réchauffer au bain-marie le beurre de coco pour qu’il prenne la consistance d’une crème épaisse. Mélanger tous les ingrédients. Avec deux cuillères à thé, former des bouchées et les disposer sur une assiette (éventuellement sur du papier cuisson, pour faciliter le service). Laisser durcir au frigo.


pour faire son beurre de coco avec un blendeur puissant: 200g de noix de coco râpée, 15g d’huile de coco, une pincée de sel et une pointe de couteau de vanille en poudre

Mixer le tout en plusieurs fois (pour ménager le moteur), jusqu’à consistance liquide.


Malgré les mythes circulant à leur propos, je crois savoir qu’Orion, Artémis et le scorpion sont restés bons amis.

Simple crème au citron

3 mois que je ne sais par où amener cette recette, paradoxe car elle est simple comme bonjour

14 mois pour apprendre cette pièce de Xenakis, antinomie à la crème au citron susmentionnée

1 heure 30 de recherches internet sur le yaourt et les citrons grecs, je bave devant des produits laitiers, survole la région de Nauplie, commence à dessiner une maison aux couleurs idoines… et puis zut, ce dessert se fait en 10mn oui ou skata ??!

Alors zou, un Iannis et un dessert en deux temps trois mouvements


Pour 5 portions: 400g de yaourt (brebis, vache, coco…), 250ml de crème entière, 1 citron jaune et 1 citron vert (ou 2 jaunes), 4 cs de sucre

mélanger le yaourt, les zestes et jus des citrons, le sucre, puis la crème montée en chantilly

Chocolats

début d’année studieux -> chocothérapie -> achat de moules à pralinés -> commande de chocolat en gros -> fournées quasi quotidiennes de créations diverses -> rêveries sur la région de Kpalimé, où Gebana s’approvisionne -> l’histoire de la fondation de la ville que je lis et relis sans rien y comprendre ->les photos (merci pour le modèle) et les histoires de deux voyageurs -> re-rêveries et re-chocolats -> la messe est dite


Pour une plaque de 15 pralinés: 75g de chocolat noir et l’une des farces suivantes:

Caramel salé de dattes: 7 dattes Medjool dénoyautées, 50g de purée d’amandes, 30g d’eau, 1/4 cc de sel, 1 cc d’extrait de vanille (ou 2-3 gouttes d’h.e. de vanille, ou pas du tout). Mixer le tout et réserver.

Praliné (à la Zauner): 20g d’oublies (plus faciles à trouver sous leur nom allemand d’Oblaten), 10g de poudre de cacao, 80g de purée de noisettes, 30g de sucre). Réduire les oublies en poudre puis mixer avec le reste des ingrédients et réserver.

Lavande (pour un sommeil paisible): 20g d’oublies, 70g de purée d’amande, 15g de sucre, 10g d’huile d’olive, 1 goutte d’h.e. de lavande (ou une cc de fleurs de lavande séchées). Réduire les oublies en poudre puis mixer avec le reste des ingrédients et réserver.

Argousier (pour une bonne dose de vitamine C): quelques cuillères de pulpe d’argousier (avec plus ou moins de sucre).

Faire fondre le chocolat au bain-marie, avec un pinceau (de calligraphie japonaise ou tout autre ustensile adéquat) tapisser les bords du moule d’une couche de chocolat et laisser durcir au frigo un bon quart d’heure. Renouveler l’opération trois fois (quatre couches au final). Remplir les pralinés (mais pas à ras bord) avec la farce choisie (le surplus est à déguster avec un yogourt nature ou à la cuillère) et recouvrir du reste de chocolat fondu. Laisser durcir au frigo, démouler et conserver au frais.


Ces chocolats étant destinés à un usage privé, j’ai sauté l’étape du tempérage.

Haarlem et le cake des fonds de tiroirs

Novembre, la brume, les feuilles mortes, le temps parfait pour une promenade nostalgique et virtuelle dans les rues de Haarlem, tranche de cake aux épices à la main.


Pour un moule à cake de 20 x 10 cm: 120g de farine de blé ou d’épeautre, 60g de farine de sarrasin, 150 g de sucre brun, 70g d’amandes moulues, 50g de cacao non-sucré, 6 cc d’épices pour pain d’épices, 1 cc de bicarbonate de soude (ou de poudre à lever), 1 pincée de sel, 100g de confiture, 50g de miel, 35g d’huile d’olive, 1 cs de purée d’amande, 2dl d’eau, 50g de gingembre confit

Préchauffer le four à 180°. Mélanger les ingrédients secs, sauf le gingembre. Incorporer les ingrédients liquides et bien mélanger. Couper le gingembre en petits morceaux et ajouter à la pâte. Verser dans le moule huilé et fariné. Cuire 45mn environ (le cake doit encore être un peu humide à coeur). Laisser refroidir. Ce cake est encore meilleur le lendemain, alors patience…


Le tour nostalgique commence à Station Haarlem, unique gare néerlandaise de style Art Nouveau. Traverser le Kenaupark et suivre le Kinderhuissingel/Leidsevaart jusqu’au Stadsschouwburg (théâtre municipal). Se restaurer/s’abriter du vent/de la pluie chez Willy’s Vis. Passer le pont, se promener dans le quartier de Leidsebuurt en regardant discrètement par les fenêtres sans rideaux.

Retour dans le centre, nieuwe Kerksplein, Korte Houtstraat (joli), Proveniershof et thé (ou plus) à la Hofje zonder Zorgen.

Pour poursuivre dans la nostalgie, dépenser son argent chez Dille & Kamille, et se finir à la bière au Café de Vijfhoek.


Parfaitement dans l’ambiance, un peu d’urbex dans une chouette prison et une usine de chocolat (où l’on met un nom sur les questions métaphysiques posées par une boîte de Kellogg’s).


Willy’s Vis, Wilsonsplein 23

Hofje zonder Zorgen, Grote Houtstraat 142A

Dille & Kamille, Anegang 46

Café de Vijfhoek, Wolstraat 20

Petits parfums de Corée

Pour y être un peu, moi aussi…

Je relis Hiver à Sokcho, d’Elisa Shua Dusapin. Je me promène dans cette ville, et jette mon dévolu et mes stylos sur une photo du Daepo Fish Market.

Je touche la Corée du bout des lèvres… Une recette de Sujeonggwa à ma façon, pour trois bols environ.


40g de gingembre frais, 25g de cannelle en bâtons, 100g de sucre, optionnel: 2 cuillères à thé de kuzu

Porter à ébullition la cannelle dans 3dl d’eau, puis laisser mijoter à petit feu pendant 50 minutes. Peler et couper en tranches fines le gingembre, porter à ébullition avec 3dl d’eau (dans une deuxième casserole), puis laisser frémir à feu doux pendant 25 minutes.

Filtrer les deux préparations, les réunir et y ajouter le sucre, puis le kuzu, préalablement délayé dans un peu d’eau froide. Amener à ébullition et faire bouillonner pendant une minute en remuant. Laisser refroidir.

Servir bien frais dans un bol, avec quelques pignons.

 

L’usage du monde

En planchant pour une deuxième jaquette, je relis L’usage du monde de Nicolas Bouvier. L’occasion pour en partager ici quelques passages et pour esquisser un début de réponse à cette question: voyager, mais pourquoi ?!

Voyager pour déguster:

A midi : un oignon, un poivron, pain bis et fromage de chèvre, un verre de vin blanc et une tasse de café turc amer et onctueux. Le soir, les brochettes de mouton et le petit luxe du coup de pruneau sous les sorbiers élèvent un peu le prix du repas. En ajoutant les excellentes cigarettes locales et la poste, c’est la vie pour deux, à sept cents dinars par jour.

Voyager pour se laisser envahir:

(…) alors la ville m’attaque. C’est très soudain ; il suffit d’un ciel bas et d’un peu de pluie pour que les rues se transforment en bourbiers, le crépuscule en suie et que Prilep, tout à l’heure si belle, se défasse comme du mauvais papier. Tout ce qu’elle peut avoir d’informe, de nauséabond, de perfide apparaît avec une acuité de cauchemar : le flanc blessé des ânes, les yeux fiévreux et les vestons rapiécés, les mâchoires cariées et ces voix aigres et prudentes modelées par cinq siècles d’occupation et de complots. Jusqu’aux tripes mauves de la boucherie qui ont l’air d’appeler au secours comme si la viande pouvait mourir deux fois.

Voyager pour apprendre à se défendre:

Tout d’abord, c’est logique, je me défends par la haine. En esprit, je passe la rue à l’acide, au cautère. Puis j’essaie d’opposer l’ordre au désordre. Retranché dans ma chambre, je balaie le plancher, me lave à m’écorcher, expédie laconiquement le courrier en souffrance et reprends mon travail en m’efforçant d’en expulser la rhétorique, les replâtrages, les trucs : tout un modeste rituel dont on ne mesure probablement pas l’ancienneté, mais on fait avec ce qu’on a.

Voyager pour se réconcilier:

Lorsqu’on reprend le dessus c’est pour voir par la fenêtre, dans le soleil du soir, les maisons blanches qui fument encore de l’averse, l’échine des montagnes étendue dans un ciel lavé et l’armée des plants de tabac qui entoure la ville de fortes feuilles rassurantes. On se retrouve dans un monde solide, au coeur d’une grande icône argentée. La ville s’est reprise. On a dû rêver. pendant dix jours on va l’aimer ; jusqu’au prochain accès. C’est ainsi qu’elle vous vaccine.

Voyager pour sourire:

Un autre matin que j’étais accroupi dans le jardin municipal en train de photographier la mosquée, un oeil fermé, l’autre sur le viseur, quelque chose de chaud, de rugueux, sentant l’étable, se pousse contre ma tête. J’ai pensé à un âne – il y en a beaucoup ici, et familiers, qui vous fourrent le museau sous l’aisselle – et j’ai tranquillement pris ma photo. Mais c’était un vieux paysan venu sur la pointe des pieds coller sa joue contre la mienne pour faire rire quelques copains de soixante-dix-quatre-vingts ans. Il est reparti, plié en deux par sa farce ; il en avait pour la journée.

Voyager pour être heureux:

A l’est d’Erzerum, la piste est très solitaire. De grandes distances séparent les villages. Pour une raison ou une autre, il peut arriver qu’on arrête la voiture et passe la fin de la nuit dehors. Au chaud dans une grosse veste de feutre, un bonnet de fourrure tiré sur les oreilles, on écoute l’eau bondir sur le primus à l’abri d’une roue. Adossé contre une colline, on regarde les étoiles, les mouvements vagues de la terre qui s’en va vers le Caucase, les yeux phosphorescents des renards. Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l’aube se lève, s’étend, les cailles et les perdrix s’en mêlent… et on s’empresse de couler cet instant souverain comme un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le rechercher un jour. On s’étire, on fait quelques pas, pesant moins d’un kilo, et le mot « bonheur » paraît bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive.


Pour l’illustrer, j’ai voulu retracer ce voyage à la façon de Thierry Vernet et par l’intermédiaire des objectifs subjectifs d’Instagram. Dans l’ordre d’apparition: #belgrade, #backa palanka, #prilep, #alexandropolis, #ankara, #sungurlu, #merzifon, #ordu, #giresun, #gumushane, #bayburt, #erzurum, #maku, #tabriz, #mahabad, #myane, #kazvin, #teheran, #ispahan, #chiraz, #takhtedjamchid, #yezd, #anar, #nosratabad, #zahidan, #quetta, #kandahar, #kabul et #khyberpass.

Transsibérien

 

Москва

Владимир

Нижний Новгород

« Dès le dernière tasse de thé nous commencions à jeter des coups d’oeil sur le visage de l’horloge. Nous le sentions déjà venir, ce train, qui serpentait quelque part au fond de la taïga endormie. Nous sortions bien à l’avance. Et dans le silence du soir nous l’entendions approcher. »

Котельнич

Киров

Глазов

Балезино

Пермь

Un extrait du livre d’Andreï Makine, Au temps du fleuve Amour, car c’est lui qui m’a poussé dans ce wagon. Ce livre, puis un atlas, puis d’autres livres puis l’envie d’apprendre cette langue pour découvrir ce pays.

Екатеринбург

Тюмень

Ишим

Омск

Барабинск

« Il n’y eu plus d’arrêts jusqu’au bout. Nous cessâmes de nous inquiéter en comprenant que d’une escapade anodine notre voyage s’était depuis un bon moment transformé en une véritable aventure. Il fallait la vivre comme telle. Peut-être ce train fou ne s’arrêterait-il jamais ?… »

Новосибирск

Мариинск

Ачинск

Красноярск

Канск

« …La boussole d’Outkine indiquait à présent le sud. le ciel s’embrumait peu à peu, les contours des collines devenaient flous. Et le goût du vent qui s’engouffrait dans la fenêtre baissée échappait à toute définition: tiède ? humide ? libre ? fou ?… »

Нижнеудинск

Зима

Иркутск

Слюдянка

Гусиное Озеро

« …Son parfum singulier se renforçait, s’épaississait. Et, comme si la locomotive finissait par se lasser de lutter contre ce flux de plus en plus dense, comme si les wagons neufs s’enlisaient dans cette coulée odorante, le train ralentit, longea quelque banlieue insignifiante, puis un long quai, et enfin s’arrêta. »

Наушки

 

 

Dans le livre de Makine, Outkine, Samuraï et le narrateur arrivent jusqu’à l’océan Pacifique. Pour moi, ce sera un prochain voyage…


Pour les personnes ayant du temps à perdre (ou à procrastiner), un petit jeu: laquelle de ces villes-gares du Transsibérien, a-t-elle comme armoiries une injonction subliminale à courir au McDo s’acheter un cornet de frites ?

Aller voir chez les Tchouktches

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Anadyr (Анадыр): pourquoi parcourir ces rues depuis Google Earth ? Parce que le nom sonne bien ?!

Il n’y a plus ou moins rien à voir, une ville de Lego de couleurs plantés dans du gris et du blanc. Je voulais m’imaginer rentrer dans un café et étudier la carte, mais je n’ai pas réussi à trouver un seul menu. Il y a bien un Multiplex, ils y passent en ce moment le dernier Pixar…

Une ville comme un plateau de Sim City !


Pour une envie d’Extrême-Orient russe, on peut aussi se plonger dans ce livre de Youri Rytkhéou, « Unna ».

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« La carrière d’Unna, petite fille de la toundra tchouktche, est tout bonnement exemplaire. Précocement russifiée, sédentarisée et convertie aux valeurs soviétiques, elle s’arrache sans regret à son milieu d’origine, affirme ses qualités de militante, poursuit une impétueuse ascension politique. Mais quelques faiblesses se manifestent lorsque, jeune femme, elle croise le chemin d’un violoncelliste juif dont elle s’éprend. Alors le vent tourne pour Unna, ou plutôt contre elle, et sévèrement… »